Tripurakot est une petite localité du bas Dolpo dans la vallée de la Thuli Bheri. Sa population est de 2546 personnes. Ses habitants sont de religion hindoue. Neuf familles sont des Pujari (prêtres), descendants de Sukdev Neupane. Les 9 prêtres se relaient tous les ans pour exercer une activité religieuse au temple de Bala Tripura Sundari Bhagawati, situé au sommet de la colline dominant le village
Les neuf papillons
Autrefois, et selon la légende, un okhal (une sorte de mortier), utilisé pour décortiquer le riz était rangée à l’endroit où le temple a ensuite été construit. Pendant le processus de décorticage du riz, les villageois pouvaient parfois obtenir cinq pathi de riz décortiqué à partir de deux pathi de riz entier et à l’inverse, parfois un mana de riz décortiqué à partir des mêmes deux pathi de riz entier [Un mana = environ 400 g et un pathi, 3,2 kg soit 8 fois plus]. Intrigués, les villageois creusèrent pendant une journée entière, la zone située autour de l’okhal. En revenant le lendemain ils constatèrent que le terrain était vierge de toute fouille. Ils décidèrent donc de travailler sans arrêt, trois jours et trois nuits entières, ils atteignirent la base de l’okhal et le renversant, ils découvrirent un pot rempli de ghee (beurre clarifié). Sur la plaque hexagonale en cuivre le recouvrant, étaient posés neuf papillons. Pendant les travaux, un papillon blessé se transforma en statue alors que les villageois tentaient de l’attraper. Trois papillons supplémentaires se transformèrent en statue tandis que cinq s’envolèrent vers différents endroits du Népal, maintenant reconnus comme d’importants centres centres religieux : Kanaka Sundari dans le district de Jumla, le temple de Bagheshwori à Nepalgunj, celui de Khairagang Bhagawati dans le district de Salyan, celui de Tripura Sundari Bhagawati dans le district de Baitadi et le temple de Badi Malika dans le district de Doti.
Kaji Bista, un villageois, fit alors un rêve : « nous sommes les neuf sœurs de Durga Bhagawati, villageois, vous devez construire en ce lieu un temple et nous rendre hommage en faisant appel aux brahmanes de la famille Neupane. »
Le lendemain matin, Kaji Bista parla de son rêve aux autres villageois et ces derniers construisirent un petit temple sur le lieu où se dressait l’okhal. A cette période, la caste des brahmanes Neupane n’habitait pas le district. Mais heureusement, Sukdev Neupane un brahmane de Jumla rentrait de Muktinath et s’arrêta au temple nouvellement construit. Les villageois lui firent part de leur rêve en espérant qu’il choisirait de rester au temple comme prêtre régulier et proposèrent de lui offrir tous les biens nécessaires (terre, maison, argent, etc.) pour qu’il reste à Tibrikot.
Mais Sukdev et son groupe de pèlerins, refusa la proposition des villageois et continua sa route vers Jumla. A la sortie de Tibrikot, le chemin vers Jumla traverse une rivière nommée Tamrawani.
En la traversant, Sukdev et les membres de son groupe devinrent subitement aveugles. Comme ils tentaient de retourner au temple, leur problème de cécité disparut. Ils réalisèrent alors la puissance de la déesse Bala Tripura Sundari Bhagawati et Sukdev Neupane décida donc de rester au temple en tant que prêtre régulier. Après l’établissement du temple, le nom de Tibrikot fut changé en Tripurakot. Jusqu’ à ce jour, les descendants de Sukdev Neupane ont continué de pratiquer régulièrement le culte et la prière.
Selon une autre légende, le roi Bikram Shah, régnait sur la région et, à l’endroit où se dresse maintenant le temple se trouvait autrefois son palais. Lorsque des travaux d’ excavation ont été entrepris, on dit qu’un papillon est sorti de terre et qu’il s’est reposé sur un tumulus où le temple de Tripura Sundari a ensuite été construit.
Mais, qui est donc Tripura Sundari ?
Il faut savoir que les croyances des populations hindoues de la région, relèvent à la fois de la religion hindoue brahmanique classique et de la religion dite « oraculaire ».
Ces traditions s’expliquent parfaitement par la coexistence, sur un même territoire, au cours de l’histoire, de communautés de haute caste et de communautés chhetri, adeptes du culte oraculaire.
On parle de religion oraculaire pour désigner les croyances de la région de Jumla (vallée de la Karnali) où interviennent des « oracles – médiums» appelés dhamis, possédés par des dieux incarnés, qui par ce biais interfèrent avec le monde humain.
Si ce groupe de divinités joue un rôle très important dans la vie des habitants, ces derniers vénèrent aussi les grands dieux hindous : Shiva, Vishnou, Ganesh, etc. Les divinités pan-hindoues ou brahmaniques, ne s’incarnent pas : elles sont généralement représentées matériellement dans leur sanctuaire et seuls les prêtres brahmanes sont autorisés à leur rendre un culte.
La légende entourant la construction du temple de Tripura Sundari, fait référence à ces deux types de croyance.
Les neuf papillons de la légende renvoient aux neuf sœurs Nau Durga Bhawani, étroitement associées aux frères Masta, les divinités les plus importantes de la religion oraculaire.
Parmi ces neuf sœurs, certaines (Bhagwati) ne s’incarnent pas dans des médiums et l’histoire de leur vie s’inspire plutôt des écrits (purana) védiques. Ces déesses ont pour nom Kanakasundari, Bala Tripurasundari et autres. De grands temples de pierre à l’image de celui de Tripurakot leur ont été construits. Une image physique leur est attribuée.
A l’inverse, d’autres sœurs (Bhawani) sont très semblables aux frères Masta, par leurs autels, le type de culte, l’absence de représentation iconique et leur incarnation par possession d’oracles. (dhamis). Les plus connues de ces sœurs (avatara) ont pour nom : Bhawani, Kalika et Malika.
D’autres éléments de la légende ramènent à la religion brahmanique classique.
Les officiants du temple sont des brahmanes hindous de haute caste.
Les neuf sœurs sont, par ailleurs considérées comme des avatars de la grande déesse hindoue Durga.
Dans la mythologie hindoue, Bala Tripurasundari (« la déesse vierge ») est dépeinte comme une jeune femme indépendante pré pubère âgée de 9 ans, également connue sous le nom de kumari.
https://en.wikipedia.org/wiki/Bala_Tripurasundari
Elle serait la fille de la grande déesse hindoue Lalita Maha Tripurasundari (avec laquelle elle ne doit pas être confondue) et de Shiva sous sa forme Kameshwara.
Lalita Maha Tripurasundari est la principale déesse du groupe des dix Mahavydias, dix aspects de la déesse suprême Devi ou Mahadevi ou Shakti. Elle est en quelque sorte la déesse suprême, ses principales incarnations étant les déesses Lakshmi, et Saraswati (incarnations paisibles), Kali, Durga et Chandi (incarnations terribles). Au cours des temps elle prit divers aspects, connus sous le nom collectif de Tridevi (Saraswati, Lakshmi et Parvati).
Elle est la « shakti », la compagne de Shiva. Le shaktisme, une des traditions de l’hindouisme considère la shakti (« énergie », puissance divine) comme étant l’Absolu (le Brahman). Elle est représentée dans tous les cas sous la forme d’une déesse Kali, Durga, Sarasvati, Kakshmi etc. Pour les adeptes (shaktas), la Déesse est supérieure à son époux Shiva qui ne peut exister sans le principe féminin immanent.
https://en.wikipedia.org/wiki/Devi
https://en.wikipedia.org/wiki/Adi_Parashakti
https://en.wikipedia.org/wiki/Mahavidya
https://en.wikipedia.org/wiki/Tripura_Sundari
https://en.wikipedia.org/wiki/Shakti
Un autre mythe hindou est relié au temple de Tripurakot, celui de Sati et de Shiva
Dans l’épopée du Mahabharata, Sati, est l’ainée des filles de la déesse Prasuti et de Daksha (fils du Dieu Brahma). Sati aime Shiva, mais son père s’était disputé avec ce Dieu et interdit leur mariage. Sati décide de n’en faire qu’à sa tête et rejoint Shiva. Son père décide de se venger en invitant tous les Dieux hormis bien évidement Shiva à un sacrifice dédié à Vishnou. Devant tous les invités, Daksha se moque cruellement de Shiva. Pour laver l’affront, Sati se jeta alors dans le feu sacrificiel. Shiva, l’ayant appris, se précipite au palais, tuant un grand nombre d’invité et décapite Daksha.
Une légende shivaïte raconte cette fois que Daksha avait donné son accord pour le mariage, mais fût épouvanté à la vue du dieu, maître de l’ascèse, le corps recouvert de cendres et les cheveux emmêlés. Lorsque Sati apprit que son père ne consentirait plus au mariage, elle se jeta dans le feu sacrificiel.
Selon certaines traditions, Shiva furieux exécuta la terrible et impressionnante danse du Tandava avec le corps carbonisé de Sati sur les épaules. Au cours de cette danse, le corps de Sati se désagrégea et les morceaux tombèrent en différents endroits de la terre. Selon une autre version, Shiva plaça le corps de Sati sur son épaule et courut à travers le monde, fou de chagrin.
Le Dieu Vishnu tenta de faire revenir Shiva à la raison. Il utilisa son chakra Sudarshana pour démembrer le corps sans vie de Sati, après quoi Shiva retrouva son calme.
Les deux versions affirment que le corps de Sati fut ainsi démembré en 51 pièces qui tombèrent sur la terre à divers endroits. Plusieurs listes différentes de ces 51 lieux saints, connus sous le nom de Shakti Peethas, sont disponibles; certains de ces lieux sont devenus des centres de pèlerinage majeurs. Le temple de Bala Tripura Sundari serait ainsi selon certaines listes l’un de ces Shakti peethas où la hanche de Sati serait tombée.
Le temple de Bala Tripura Sundari est également célèbre car Adi Shankara parfois appelé Adi Sankaracarya « celui qui apporte la félicité », un des plus célèbres maîtres spirituels de l’hindouisme, au VIIIè siècle, au cours de sa vie de renonçant itinérant, allant d’un monastère ou d’un temple à un autre, d’une communauté à une autre, séjourna longuement à Tripurakot.
Plus récemment, un autre maître : Shree Khaptad Baba a reçu le Yoga siddhi dans ce temple acquérant les pouvoirs spirituels d’un siddha.
Pour toutes ces raisons, le temple, de Bala Tripura Sundari, reçoit des milliers de visiteurs et de pèlerins de tout le pays, notamment lors du grand festival de Dashain.
Récemment avec l’aide financière de l’ambassade de l’Inde ce temple a été rénové par M. Laxmi Kant Upadhaya, un résident de Dunai