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De tout temps les habitants du Dolpo ont associé agriculture, élevage et commerce pour assurer leur subsistance. Depuis peu, le tourisme à pu apporter à quelques familles des revenus complémentaires

Tous les travaux doivent être synchronisés, ce qui exige une organisation du travail très poussée, réglementée par les décisions de l’assemblée de village. Dans cette communauté, les travaux agropastoraux sont indissociables des rites religieux et, il faut souligner le rôle des lamas pour la protection des cultures. 

 

Les travaux préparatoires nécessaires à toute culture consistent essentiellement à contrôler, conduire et distribuer l’eau ; celle-ci est fournie par des torrents au débit très variable mais qui ne sont jamais à sec. Leur eau est captée à quelque distance en amont de la zone de culture. Ces torrents sont alimentés par des névés et quelques glaciers persistants accrochés aux sommets bornant l’horizon nord de la vallée, au-dessus de 5 000 m.

L’irrigation nécessite un certain nombre de travaux :

  • le captage de l’eau,
  • le creusement de canaux et rigoles,
  • le nivellement des champs en terrasses,
  • la surélévation des murs de pierres séchés en bordure,
  • la régularisation du flux d’eau du point de captage au point d’utilisation,
  • l’irrigation des cultures conformément au calendrier de culture.

Une partie de l’eau du torrent emprunte une dérivation, le canal d’irrigation, yur-ba, à partir d’une prise, kha (lit. « bouche »; ce terme désigne aussi les vannes qui sont disposées le long du canal) ; les reliefs, fosses et tranchées, sont franchis à l’aide de canalisations sommaires en bois, wa. Le bord des canaux est renforcé et colmaté par des pierres ou des mottes de terre.

 

L'orge

 

Parfaitement adaptée aux conditions difficiles du milieu et cultivé à plus de 4000 m d’altitude, l’orge occupe une grande part des terres de labour.

On distingue deux qualités d’orge : «l’orge à grain jaune doré», nas tig-ser, dont la paille est courte et le grain très bon pour fabriquer de la tsampa. Et « l’orge à grain bleuâtre », nas lo-mo, à paille longue, utilisée pour fabriquer la bière,

L’orge est semée au troisième mois, début mai, et récoltée au début du huitième mois, en septembre.

 


Premiers préparatifs, deuxième mois (mars-avril) - Remise en état des canaux d'irrigation

 

La mise en culture du sol demande la participation de toute la population. Nul n’est autorisé à travailler la terre avant la réalisation du rituel villageois du nom de Sa kha (« Bouche de la terre ») ou Sakaluka, premier hommage aux divinités du sol et de l’eau, qui inaugure en février la saison des travaux agricoles.

Quelques hommes se déplacent ensuite du haut en bas de la vallée pour inspecter les canaux d’irrigation et prévoir la remise en état des parties effondrées. Des équipes d’hommes et de femmes se constituent, elles nettoient, déblaient et aménagent les canaux que les fortes chutes de neige ont endommagés. On commence par les canaux principaux ; pour les déblayer et déplacer la terre, on se sert de la pelle en bois, khyem, qui est maniée par deux personnes, un homme poussant la pelle sur laquelle s’accumule la terre, le second à l’aide d ‘ une corde attachée au manche tire la pelle à lui. Une fois terminés, les travaux de remise en état des canaux, l’irrigation, la disposition des vannes et la surveillance de ces canaux incombent aux femmes.

 


Transport du fumier et première irrigation, troisième mois

 

Piocher et remuer le fumier (lud), le sortir de l’étable, le transporter aux champs, le diviser en petits tas épars, le disperser à la surface du champ sont autant d’étapes nécessaires à la fertilisation des terres, qui s’échelonnent de fin mars à mai. Pour chaque zone d’irrigation, la terre est cassée à la houe; une fois ameublie, on y répand le fumier avec une pelle.

Le transport de la fumure dans les champs mobilise un grand nombre d’individus et de bêtes de somme. Plus que pour tout autre travail, on à alors recours à l’entraide : mise en commun des animaux de bât, réciprocité dans la force de travail. Parmi les aides, il y à les voisins qui travaillent par échange de journées de travail, et des journaliers.

 


Semailles

 

La pré-irrigation précède tous les travaux de mise en culture. L’eau de cette pré-irrigation est appliquée sur le sol labouré de l’automne précédent, après que les gros tas de fumure aient été édifiés.

Labours et semis sont effectués simultanément, alors que le sol est encore légèrement humide. Juste avant le labour, les dernières étapes du processus de fertilisation sont accomplies afin de recouvrir de fumure la totalité de la surface du champ.

La date de mise en culture est fixée après consultation du lama. Ce jour là, chaque maîtresse de maison fait brûler un peu de genévrier sur le foyer puis met trois morceaux de beurre, yer-ka, sur le front des laboureurs qui portent pour la circonstance une boucle d’oreille, ornée d’une turquoise à l’oreille gauche.

Avant le premier labour, les yaks qui doivent tirer l’araire sont brossés puis décorés avec des pompons de couleur aux oreilles, une étoffe imprimée sur le dos ; on pose un morceau de beurre sur leur front, un autre sur chaque corne que l’on enduit d’huile. Pour chaque champ ensemencé, un religieux, la tête ceinte d’une écharpe de cérémonie donnée par le propriétaire, récite la prière propitiatoire et offre de la bière d’orge. Il fait brûler quelques poignées de tsampa sur un plat contenant des braises puis, prenant un peu de grain dans le pli de son manteau, il fait le geste symbolique de semer.Un homme rapproche deux yaks ou dzos, pose le joug et fixe l’araire au joug. Le propriétaire, sème le grain à la volée en commençant au bord du champ, «  tournant dans le sens de la circumambulation, le sens du mani », et terminant les semailles au centre du champ.

On se sert de l’araire pour couvrir la semence. Chaque paire de yaks ou de dzos est guidée par un homme qui les contrôle par l’anneau de nez; un autre homme tient le manche de l’araire d’une main, un fouet de l’autre. La terre est ensuite, aplanie à l’aide d’un brise-mottes, poutre longue de deux mètres, munie de vingt dents en bois. Les jours suivants, les femmes égalisent la surface de tous les champs avec des râteaux à dents de fer. Une fois semé, tous les accès au champ sont barricadés pour empêcher l’intrusion d’animaux domestiques.

Dans la vallée de Nangkhong, de Tsa à Nyisal, les champs sont retournés à la houe, tog-ce, et non à l’araire; en effet, « la terre est dure ». Elle est ensuite égalisée au râteau.

 


Sarclage et désherbage, quatrième mois

 

Ces opérations ont pour but d’ameublir la terre et d’éliminer les mauvaises herbes Le sarclage, travail exclusivement féminin, commence environ un mois après les semailles. La première irrigation suit le sarclage. Pour retenir l’eau, on dresse à la houe de petites buttes (« planches »), mtha-ma, distantes d’un mètre cinquante les unes des autres, qui séparent des espaces rectangulaires, nan (lit. « intérieur »). Chaque propriétaire a en tète le dessin des « planches » de chacun de ses champs et le reproduit d’année en année. Un deuxième désherbage, est pratiqué lors du sixième mois On irrigue une nouvelle fois.

 

 

Au cours de l’été, l’orge continue à maturer, l’épi s’alourdit progressivement.

 

Moisson

 

En septembre et en octobre, toutes les énergies sont orientées vers un seul but, récolter les fruits du travail de la saison agricole et engranger de quoi nourrir hommes et bêtes pour la nouvelle année à venir. L’important travail nécessité pour engranger la récolte se fait dans une atmosphère d’urgence car les jours raccourcissent et surtout il faut se préparer dans certains villages, dès que possible, à la migration hivernale.

Hommes, femmes, enfants, tous participent. Les équipes de moissonneurs sont sensiblement les mêmes que celles des labours et du sarclage. Les mutations sociales qui ont ces dernières années profondément affecté la société dolpo-pa (généralisation de la monogamie, émigration et absence des adolescents qui poursuivent leurs études dans les grandes villes népalaises) se traduisent bien souvent par une réduction de la main-d’œuvre familiale et la nécessité de recourir à une aide extérieure (travailleurs loués).

 

 

Le lama fixe par divination le début des moissons. Hommes et femmes emploient une faucille, zor-ba , qui sert plus à arracher qu’a couper les tiges. Les chants des moissonneurs emplissent la vallée. Le moissonneur, prend la largeur comprise entre deux buttes d’irrigation ; les poignées de tiges sont posées à terre; une fille fait une petite gerbe, comprenant une cinquantaine de tiges avec un lien de paille « un nœud ». Ces gerbes sont petites pour être ensuite facilement étêtées; on en dispose une cinquantaine en un tas, les épis tournés vers le bas; elles restent deux ou trois jours dans les champs, les femmes glanent les épis tombés à terre. Les gerbes sont transportées dans un enclos ou sur le toit des maisons quand la moisson est terminée dans la vallée. Les gerbes sont ensuite transportées dans l’aire à battre, et entassées en gerbier. Les gerbiers sont rectangulaires, les gerbes posées en deux rangées, épis contre épis.

Comme pour les labours et le sarclage, on suit un certain ordre pour la moisson, les champs appartenant aux lamas étant moissonnés en premier lieu.

 


Battage

 

L’aire à battre, est délimitée par une enceinte en pierres sans ouverture. La surface destinée à devenir l’aire est ameublie, puis tassée à l’aide d’une planche. Des couvertures sont posées sur les murets pour éviter toute perte de grain. Tous les matins, les gerbes sont étalées au soleil. La nuit, en cas de pluie ou de neige, elles sont protégées par des couvertures et des sacs.

 

 

Le travail des femmes consiste à séparer les épis des tiges à l’aide d’un peigne en fer monté sur un bâti en bois ; elles engagent la tête de la javelle dans un peigne à grandes dents, de la main gauche elles cassent les épis qui tombent au pied du chevalet; ce peigne évite de défaire la gerbe.

 

 

Le chaume de l’orge gardé en javelles liées est rangé sur le toit de la maison et donné en hiver comme fourrage aux animaux.

Les épis sont étendus à l’aide d’une pelle en bois sur l’aire à battre, puis battus au fléau par un groupe de batteurs. Le fléau, sgyal-big, se compose d’un manche et d’un battant articulé fait de plusieurs baguettes en églantier liées ensemble avec des lanières de cuir. Le battant tourne dans un même plan et parallèlement au manche. Le battage commence en général vers trois heures de l’après-midi lorsque les épis sont bien secs. Les batteurs, se placent en quinconce et commencent par battre au bord de l’aire la surface couverte par la largeur du battant, puis une deuxième bande pour revenir battre l’espace intermédiaire et ainsi de suite, au rythme d’environ quarante cinq coups à la minute. Quand l’airée est battue, une femme balaye le bord avec un petit balai en bambou pour ramener le grain et la balle vers le centre, puis les batteurs les remuent avec leurs pieds pour les étaler à nouveau. L’airée est rebattue une deuxième fois, plus rapidement. Après le battage, l’aire est balayée, le grain est mis en tas. Pour battre une surface de cinquante mètres carrés, il faut quarante minutes.

 

Criblage et vannage

 

Le vannage à lieu immédiatement après le dépiquage. Le vannage est réalisé par les femmes qui, soulèvent puis lâchent dans le vent pailles et grains au moyen de plateaux de vannerie (lo-ma), levés à hauteur d’épaule puis ramenés au sol. On crie « Khyoyo ! Khyoyo ! » pour appeler le vent Puis, on crible à l’aide d’un grand plat percé de menus trous afin de séparer les grains du sable.

Le grain tombe sur une natte ; la balle est transportée dans les hottes et gardée dans un recoin du toit-terrasse, on s’en sert en hiver pour faire la litière des animaux.

Lorsque le grain est bien sec, le maître de maison le verse dans de grands coffres en bois, ‘bru-sgam. Ceux-ci sont vides dès le sixième mois. Avant d’y verser le grain nouveau, il dessine un svastika avec du grain dans le fond du coffre et l’assistance chante le « chant de l’orge »

 

« Faisons un nouveau coffre à grain,

Cette année la récolte à été bonne,

Dans le nouveau coffre,

Dessinons un svastika d’orge,

Sur les branches du svastika qui bougent,

Plantons un étendard couleur d’or,

Si cet étendard n’est pas placé droit,

Aux quatre orients un étendard sera planté ».

 

Le coffre à grain est souvent décoré à l’extérieur d’un svastika peint avec de la pâte de farine ; il est décoré à nouveau au nouvel an.

Lorsque la récolte est rentrée, les animaux domestiques descendus des alpages peuvent circuler librement dans les champs.

 

D'autres cultures sont pratiquées au Dolpo.

 

En fonction de l’altitude et de la situation géographique (pluie de mousson), on cultive le blé et le sarrasin en petites quantités, des pommes de terre, du colza, des radis et chou-navets etc.

 


Le blé

 

Le blé (gro) est cultivé à plus basse altitude, dans quelques villages du nord du Dolpo (Namgung, Phijor). Si, dans des conditions favorables son rendement s’avère meilleur que celui de l’orge, il reste cependant plus dépendant des aléas climatiques. Le blé est semé au troisième mois sur une terre préalablement irriguée et récolté au huitième mois.

 

Le sarrasin

 

Le sarrasin est également cultivé au Dolpo. C’est une plante au cycle très court, la dernière à être semée et la première à être récoltée. Elle est cultivée en toute hâte des qu’un fléau compromet gravement les autres récoltes.

On distingue deux sarrasins bra-bo : l’un à « grain noir », bra-nag, l’autre à « grain blanc », bra-dkar. Le bra-nag est cultivé dans la vallée de Nangkhong, à Phijor, dans la partie sud de la Barbung et à Tichurong. Le bra-dkar est cultive à Sangdag.

Le sarrasin est irrigué trois fois avant la récolte qui à lieu au début du huitième mois; on le coupe avec une faucille à lame lisse; les javelles sèchent cinq ou six jours sur le chaume. On dispose les javelles tête contre tête sur l’aire, et on les bat au bâton, ber-ka. La paille de sarrasin est conservée comme fourrage d’hiver.

 

La pomme de terre

La pomme de terre, pindal ou alu, (terme nepali) est cultivée à Nangkhong, à Phijor et dans la Barbung. L’arrachage à lieu au neuvième mois. On conserve les pommes de terre dans un silo creusé dans le sol de l’étable, au rez-de-chaussée de la maison.

Il y a deux variétés de pommes de terre : l’une à chair blanche, pindal dkar-po, l’autre à chair rouge, pindal dmar-po .

La moutarde

 

Une Crucifère, Sinapis, très voisine du colza, est cultivée dans quelques villages de Dolpo.

Rares sont les champs qui sont aujourd’hui consacrés à cette moutarde indienne.

Elle a une fleur jaune, ser-po, ou une fleur mauve, smug-po. Elle est surtout cultivée dans la vallée de Nangkhong « dans les endroits chauds et protégés du vent » et à Mu dans la Barbung. Semée au quatrième mois, la plante à besoin de beaucoup d’eau; mûre, elle est arrachée puis battue à la main ; la graine est écrasée, l’huile extraite par pressage manuel, le résidu séché est un aliment d’hiver pour les bovins. Autrefois, ses graines, écrasées dans un mortier fournissaient une huile utilisée pour alimenter de petites lampes rudimentaires qui constituaient l’unique moyen d’éclairage. Certaines années, lorsque la plante n’arrive pas à maturité, les feuilles sont aussi utilisées comme légume.

 

Le pois

 

Il est cultivé seul ou le plus souvent en association avec de l’orge. Récolté sec puis grillé, il est réduit en farine en même temps que l’orge. Le fourrage qu’il procure, est apprécié pour ses qualités nutritives.

 

Légumes

 

Les seuls légumes cultivés autrefois au Dolpo étaient le radis ( la-phug) et le chou-navet (to-lur ).

Aujourd’hui, le potager s’est quelque peu diversifié ; soigneusement aménagé en petits carrés délimités par des levées de terre il s’est enrichi d’oignons, de radis noir, de carottes, de choux, de divers types d’épinards, de coriandre. Ces cultures exigent une irrigation abondante. Des serres ont été également installées dans la vallée de la Tarap.

 

La production fourragère

 

Il n’y a pas de cultures fourragères. Au moment des sarclages d’été, on arrache les graminées, ayant poussé dans les champs d’orge et que l’on fait sécher.. Toutes ces plantes sont appelées yur-ma, « mauvaise herbe »). Mis en torsades, ces fourrages sont donnes aux bovins en hiver.

A la fin du septième mois, on coupe pendant une quinzaine de jours l’herbe de montagne

dans une zone ou le bétail ne va pas paître en été. L’herbe coupée à la faucille est séchée sur place pendant deux jours, puis ratissée avec un bâton fourchu et mise en torsade, pour être séchée sur le toit terrasse. Ce «  foin » est donné aux vaches en hiver et aux yaks au moment des labours.

 

Les pratiques religieuses associées au calendrier agricole.

 

Toute activité en matière d’agriculture (mais aussi d’élevage) est soumise à des impératifs religieux :

L’espace cultivé est protégé. De longs murs à prières (mendang) sont élevés le long des champs.

Les cours d’eau et les canaux d’irrigation, résidences préférées des divinités klu, sont jalonnés de pierres gravées de formules religieuses, de murs à prières et aussi de tho-bo édifies après la réfection des canaux. Sur les débouchés de ces canaux, on construit parfois des petits moulins à prière, chu-skor, mus par des roues horizontales.

 

 

Dans la vallée de Tarap, les divinations nécessaires pour déterminer les dates des différents travaux agricoles sont le fait des religieux; ces derniers intervenant aux différentes étapes du cycle agricole.

Sakaluka : Le mot (sa kha) signifie « bouche ou ouverture de la terre ». Cette cérémonie ouvre la saison agricole et rompt les interdits liés au travail de la terre pendant la saison froide. Les divinités du sous-sol, les lu supposées reprendre vie à la fin de l’hiver sont particulièrement honorées à cette occasion. Des actes symboliques, représentatifs de l’activité agricole, sont réalisés à cette occasion par les membres du conseil. Y participent un moine, l‘amchi ou l’astrologue ainsi que les villageois. Prières et offrandes aux dieux, exercices de divination, établissement d’un horoscope des activités agricoles, prévisions météorologiques, etc. sont réalisés.

On ne sème ni ne laboure les premier, quinzième et dernier jours du mois, « ce serait une grande faute de le faire et le grain ne germerait pas ». Les femmes ne tissent pas pendant cette période, ne font pas de teinture, surtout de couleur bleue. On évite aussi de franchir le col du nord, le Byan-la, qui conduit à Nangkhong, « franchir le col au moment des semailles et du sarclage provoquerait les chutes de grêle à la fois sur Tarap et sur Nangkhong ».

Il arrive que la récolte soit menacée, les religieux célèbrent alors un rituel aux divinités lu. lorsque les nuages noirs, annonciateurs de grêle, s’approchent. Il ne grêle cependant jamais à Do, « le sanctuaire de Ribo-bumpa protégeant tout le village ».

Lorsqu’il ne pleut pas assez, le religieux et l’assemblée de village décident d’accomplir une circumambulation des champs, rten-skor.  Les habitants et religieux portent les livres sacrés de la gompa, font le tour du village et des champs cultivés. Lamas et religieux jouent des cymbales, tambours et damaru, précédés d’un enfant portant un étendard aux cinq couleurs. Cette cérémonie a également pour nom bum skor, (la circumambulation [avec les livres] du Bum ) ou chokor (circuit des écritures). Le parcours circonscrit l’espace cultivé. Les habitants tournent dans le sens des aiguilles d’une montre, par la gauche, conformément au sens que chaque bouddhiste tibétain adopte lorsqu’il tourne autour d’un édifice religieux. Tout au long du parcours, des villageois attendent la procession. Les hommes se sont munis d’un encensoir dispensant la fumée purificatrice de quelques brins de genévriers qui se consument, les femmes d’un bol de cuivre empli d’un liquide blanc en l’honneur des divinités klu – du lait, du babeurre ou de la bière d’orge – et orné de petites pastilles de beurre.

 

 

Le parcours est jalonné de nombreuses haltes. Des rituels de fumigation sont accomplis devant les sites sacrés qui jalonnent le parcours – lhatos, chörtens, rigsum gonpo – et en des lieux fixes marqués par un cairn ou un rocher. En dehors de ces repères stables, ancrés dans l’espace villageois, le cortège s’arrête également pour effectuer une fumigation au niveau de petits empilements de trois pierres colorées de rouge (thowo), qui ont été édifiés le matin même.

Au cours de ces processions, aucun dieu spécifique du panthéon bouddhiste n’est vénéré. Il s’agit d’une cérémonie relevant de la “religion populaire” destinée à protéger le village, les champs et les habitants de l’influence d’une multitude de démons.

 

 

Au cours du huitième mois, un certain nombre de rites accompagnent la moisson et le battage.

Ainsi, les enfants font une quête du grain, ils se lavent les cheveux, les tressent, mettent leurs plus beaux habits, le chapeau de leur père et vont quêter le grain nouveau qu’ils vendent pour acheter de la viande et du beurre dont ils préparent une soupe. Le fait de donner du grain est un acte qui attire la bonne fortune.

 

Utilisations de l'orge

 

L’orge est l’aliment principal au Dolpo, sous forme de farine appelée tsampa (rcam-pa) ou sous forme de bière, chang.

 

La Tsampa

 

La tsampa courante est préparée de la manière suivante : on fait chauffer une grande poêle en fer, dans laquelle on verse une poignée d’orge qui grille légèrement et éclate au bout de quelques minutes ; le grain est ensuite moulu. La tsampa grossière ainsi obtenue est appelée « tsampa rouge «  rcam-pa dmar-po. Elle est préparée en fonction des besoins.

La tsampa blanche ou « farine de tsampa », zib-rcam demande une préparation beaucoup plus longue et plus soignée : le grain est lavé et séché sur une toile pendant deux jours, trié pour éliminer toutes les petites pierres. Il est ensuite humidifié par trempage dans l’eau chaude additionnée de sel, puis à nouveau séché. On le fait alors éclater par chauffage à une température relativement élevée, environ 150°; afin de permettre une plus grande élévation de température, on chauffe le grain mélangé à du sable très fin, puis on procède à un tamisage pour séparer le sable et le grain éclate et grillé, qui est alors pilé au mortier et vanné. Ces opérations donnent après mouture une tsampa très fine, de couleur blanche, de bonne qualité, préparée pour les fêtes religieuses de la communauté, en particulier les manifestations du nouvel an (vingt mesures d’orge donnent trente-quatre mesures de tsampa grossière et trente mesures de tsampa de très bonne qualité).

La tsampa est la base de la nourriture au Dolpo. Le matin la tsampa est mélangée avec du thé ou sert à composer la soupe, thug-pa ; à midi, la tsampa préparée comme une « bouillie », zan , alterne avec du riz ou une bouillie d’eleusine, kodo ; dans l’après-midi, la tsampa est consommée avec du thé sous forme de boulettes, bag ; le repas du soir se compose de galettes de sarrasin, d’un plat de mil ou de farine de mais, de tsampa.

La tsampa peut être mélangée avec de l’eau, chu-‘ dur, ou du thé, Ja-dur . L’orge légèrement grillée, yos, consommée dans cet état sert alors d’aliment pour les caravaniers et les bergers.

 

La bière d'orge, chang

 

L’orge peut être aussi transformée en bière, chan ou chang. Elle est lavée, humidifiée et chauffée à une température de 60 °C pendant trois heures. On ajoute de la levure. La fermentation dure au moins trois jours dans une poterie placée à proximité du foyer et l’on obtient ainsi une sorte de malt. La bière est préparée en mélangeant ce malt à une certaine quantité d’eau.

La bière joue un rôle très important dans les diverses manifestations sociales de la communauté ; toute demande, toute intervention auprès de l’assemblée de village, doit être accompagnée d’une présentation de bière d’orge et d’une écharpe de cérémonie. C’est la raison pour laquelle un des objets domestiques les plus richement ornés est le récipient à bière, ka-re.

De l’alcool, a-rag, peut également être produit. Le produit fermenté, est distillé dans un alambic. On obtient un alcool limpide de faible degré (25° à 30°).

 

Bibliographie

 

  • Dolpo – Communautés de langue tibétaine au Népal, Corneille Jest, Cahiers népalais, éditions du CNRS 1975.
  • High Frontiers Dolpo and the Changing World of Himalayan Pastoralists, Kenneth M Bauer, Columbia University Press, 2003.
  • Travail de la terre, travail de la pierre. Des modes de mise en valeur des milieux arides par les sociétés himalayennes : L’exemple du Ladakh, Valérie Labbal, Thèse Aix-Marseille 1, 2001.