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Il y a plusieurs générations, dans une vallée latérale, reculée, au nord-ouest d’Hurikot (Yulri Kor) et Kaigaon (Kag), existait un village appelé Jagdul (‘Jag ‘dul). Le village comprenait plusieurs maisons, trois petites gompa entourées de champs. Le lieu était renommé pour ses yogis bön pratiquant le dzogchen.

 

 

Yangton Gyaltsen Rinchen, le fondateur du monastère de Samling (13è siècle), y construisit une chapelle de méditation. Son empreinte, gravée dans un roc, est l’un des sites sacrés importants du pèlerinage de Jagdul.

La gompa bön de Jagdul a été bâtie par Nyakom Lodrö Gyaltsen de la lignée Nyarong, un disciple et fils spirituel de Ta-u Nyima Gyaltsen, le fondateur de Tsakhang Gompa à Shey au 16è siècle. Nyakom Lodrö Gyaltsen médita dans la vallée de Jagdul pendant trois ans; il vécut ensuite pour un temps à Tsakhang Gompa près de Shey, ainsi qu’à Merphu, un temple (aujourd’hui abandonné) situé au dessus de la vallée de la Tarap, non loin de Dho. et à Pumer Gompa au-dessus de Pugmo, où il enseigna à ses disciples avant de retourner à Kongpo Bonri au Tibet. Plus tard, son étudiant Treton Tsewang Tsultrim de Pugmo, un maître important, vecteur de l’expansion de la foi bön, au Dolpo, entreprit une retraite à Jagdul.

 

Hurikot, Kaigaon et la vallée de Jagdul

 

A l’époque une piste traversait les montagnes vers le nord-est, reliant directement Jagdul au monastère de Samling, le principal centre bön du Dolpo. Les lamas responsables de Jagdul provenaient principalement de Samling et entretenaient des relations soutenues avec ce monastère. Pour illustrer la rapidité avec laquelle on pouvait joindre Samling, on disait souvent que « le pain chaud ne refroidissait même pas sur le chemin de Jagdul à Samling ».

 

 

Le lien étroit entre les deux monastères et les villages s’est brisé après qu’un glissement de terrain eut détruit le pont principal et la falaise rocheuse sur lequel il était fixé. En conséquence, le sentier de Samling est devenu impraticable et les villageois de Jagdul ont du migrer vers le sud et la zone connue sous le nom de Kag – Hurikot, comprenant les villages de Kaigaon et Hurikot (Tib. BkagYul ri skor, ou ‘Ur bkod), tandis que la vallée déserte de Jagdul servait de pâturages d’été et devenait un endroit accueillant des méditants.

Il ne reste plus aujourd’hui à Jagdul que des ruines de la gompa et du village, ainsi que des pierres matri, où sont gravées les syllabes sacrées du Bon.

 

 

Un nouveau monastère, construit à Hurikot, tenta de maintenir les liens étroits avec Samling mais, se rendre de l’un à l’autre nécessitait un voyage de six jours. Les visites devinrent rares et aucun lama de Samling ne voulut s’installer à Hurikot à temps plein.

Pendant de longues périodes il n’y eut plus de lama bön à demeure, au village. Les gens se tournèrent de plus en plus vers d’autres experts religieux pour accomplir les rituels. Tandis que des lamas böns, venus pour l’occasion, de Samling ou de Pugmo continuaient à réaliser les rituels importants, les dhami (cf article sur la religion oraculaire) contrôlaient certaines des divinités locales les plus puissantes et servaient de médiums, et les jhankri  des villages voisins étaient chargés des rituels de guérison. De même, le dieu Masta, une divinité montagnarde locale, fut honorée. Plus récemment, la zone a subi un processus d’hindouisation et a commencé à célébrer la fête de Dasain.

 

 

Cependant, à partir de 1987, un nouveau lama bön s’installa à Hurikot. Geshe Nyima Ozer de Pugmo, a pu ainsi réactiver les pratiques religieuse et reconstruire la gompa bön. Geshe Nyima Ozer est également connu dans la région sous le nom de Jagdul Rimpoche. En plus de réactiver les pratiques religieuse et les danses cham, il contribua à rendre à nouveau populaire le pèlerinage de Jagdul.

 

Avec le soutien de la communauté, il construisit un petit bâtiment ainsi qu’une petite chapelle où il put loger et se mettre au service des villageois. Puis, avec beaucoup d’enthousiasme, il initia le projet d’un nouveau bâtiment, un monastère, construit près du village. Ce monastère : Yungdrung Drodüling Gompa (gYung drung ‘Gro dul gling) est également appelé Duli gompa en référence à l’ancienne gompa de Jagdul. A l’heure actuelle, les trois villages : Kag, Yulri Kor et Thorpa Gaon, utilisent Yungdrung Drodüling comme gompa communautaire.

 

En 1996, lorsque l’anthropologue suisse, Marietta Kind séjourna au Dolpo, elle et son mari, l’architecte Urs Furger aidèrent Geshe Nyima Wozer à dessiner les plans du monastère

En 1999 – 2000, il parvint à finaliser la construction du bâtiment principal. Des artistes de Humla ont réalisé la nouvelle statue en argile du fondateur de la religion Bon, Tonpa Sherab Miwo, ainsi que d’autres statues et sculptures en bois. Les principales peintures murales ont été dessinées par Bönkyap Rokaya, un artiste de Parlä (nep. Baigibara), qui est aujourd’hui le plus célèbre peintre bön de thangka du Népal.

La reconstruction du monastère a été financée par les suisses de Tapriza verein, par Friends of Dolpa, l’American Himalayan Foundation, Tenzin Wangyal Rinpoche et le Ligmincha Institute, et la Deutsche Dolpo-Hilfe. Le monastère gère également une école pour orphelins et enfants défavorisés.

 

Tagla Membar

Crédit photos Pierre Martin.

 

Le pèlerinage de Jagdul – « La vallée cachée des arcs en ciels scintillants » – est très populaire au sein de la communauté bön du Dolpo, tout particulièrement le 15è jour du 7è mois (singe) des années serpent, correspondant à la date anniversaire de l’ouverture du pèlerinage par Drogon Tenzin Nyima en 1869.

Les pèlerins parcourent la kora, remontant les « quatre rivières », visitant les « quatre prairies » et les « quatre lacs sacrés », à l’ombre des « quatre montagnes sacrées » et notamment la principale d’entre elles : Kangchen Meri Ralwa où ils rendent hommage à la divinité Zhangzhung Meri.

Une description détaillée du pèlerinage a été publiée par Marietta Kind dans son livre : The Bon landscape of Dolpo.